JOURNAL

Stalker, Stalcaïre... le fauconnier. C'est là que j'irai hanter, quand mes jours seront passés, quand mes nuits seront venues. J'irai voler au dessus du Loch Linnhe, avec les chevaliers anciens, et les dragons disparus. J'irai nager dans le Loch Ness, avec la jolie Nessie. Et sans doute, on me verra encore, dans quelques ruelles de Montréal, par les soirs sans lune, longeant un mur sombre, où je ne serai plus qu'une ombre, celle d'un fantôme... car je n’y serai plus, mais ailleurs, et bien loin.

J'irai à Stalker, rêver de beauté, d'amitié et d'amour. J'y emmènerai les jolis garçons de mes rêves, et ceux de mes veilles. Les fantômes n'emportent jamais que des souvenirs... et des regrets.

Je suis un fantôme, ou en passe de le devenir... on verra bien. Le décompte est commencé, je le sais, je le sens. J’ignore seulement quand il s‘arrêtera. Mais le temps est court, les heures s’écoulent, les minutes s’envolent, et les infernales secondes se bousculent.

J’ai si longtemps couru après le temps, quand il me fuyait encore, et maintenant que je voudrais le fuir, il me rattrape, il me précède, et parfois, même de loin, je l'entends rire, dans ma tête. Il se moque de moi: tic tac, tic tac, comme un étourdissant ostinato, qui me répète, en échos:

- Allez viens, je t'attends...

J'imagine que ca se passera en hiver. Au printemps, il ne restera plus rien... un souvenir, peut-être... un regret... Rien d‘autre.


Yvon Verrier

lundi 19 octobre, 2015

                                                                                                                                                                                                                                 


AUTEUR

J'étais très jeune, quand j'ai reçu mon premier livre: Les mésaventures de Jean-Paul Choppart. Un peu plus tard, c'était: Les aventures de Tom Sawyer. Par la suite, il y en eut plusieurs autres. Ma mère m'en achetait, presque toutes les semaines. Ca me semblait alors, très naturel, de lire. Mais j'ai vite compris que j'étais le seul, à lire des livres, sans y être forcé. Quand j'en parlais, on trouvait étrange, que je lise, pire encore, que j'aime lire.

Un peu plus tard, j'allais à la bibliothèque municipale de Rosemont. Pour une fois, je n'y étais pas seul. Il y avait plusieurs autres lecteurs, souvent même, aussi jeunes que moi.

Puis, nous avons déménagé à Longueuil, en fait, Jacques-Cartier. Il n'y avait pas de bibliothèque, dans les écoles, pas même de librairie municipale. Mais, une fois la semaine, un autobus, transformé en bibliothèque mobile, faisait le tour des écoles. Il y avait quelques livres, pas grand chose, surtout, pour un jeune lecteur qui avait déjà un peu d'expérience.

L'année suivante, on installa une bibliothèque municipale, dans le vieux Longueuil. J'en fus le premier membre. Au cours des années suivantes, j'y passai beaucoup de temps. Je ne dirais pas que j'ai lu tous les livres. Mais si on pouvait vérifier les fiches de l'époque, on y verrait mon nom, sur plusieurs livres.

Je n'étais pas beaucoup plus vieux, quand j'ai commencé à écrire. À l'école, on nous disait souvent qu'il fallait lire, mais jamais qu'il fallait écrire... ni qu'il ne fallait pas. Et puis, nos professeurs ne se doutaient pas que nous aurions peut-être l'idée d'écrire. Ca leur semblait même étrange. En fait, j'en ai même connu qui ne lisaient pas, mais qui se plaignaient souvent, de ce que leurs étudiants ne lisent plus. Mais j’ai lu et écrit... presque toute ma vie.

Au cours des années, j'ai écrit des milliers de pages, et je les ai regroupées en quelques livres, que je présente comme des romans... poétiques, parce que les histoires que j’y raconte sont moins importantes que les idées qui risquent de s’éveiller, dans l’esprit d’un possible lecteur, un peu comme un rêveur qui s‘éveille, en se demandant, d’où lui est venu ce rêve étrange.

Tout ce que j'ai écrit, je l'ai vécu. Tout ce que je raconte, je l'ai pensé et rêvé. Les personnages de mes textes ont vraiment existé. Ils furent mes parents, et mes amis, même si je les ai parfois connus en rêves. J'ai simplement changé leurs noms, et souvent, l'époque à laquelle ils ont vécus. Autrement, tout est vrai, si on accepte que la vérité se trouve parfois dans le rêve.

                                                                                                                                                                                                                                 


MANUSCRITS

Après avoir écrit plusieurs textes, j'ai commencé à les considérer, comme les pièces d'un étrange casse-tête, dont je n'avais pas encore idée de l'image finale. Et pourtant, en rassemblant les coins et les bords, j'ai pu établir certaines limites. Bien sur, il s'agit toujours de la même histoire, la mienne, celle que j'invente. Mais je ne peux pas tout rassembler en un seul roman. Il y a bien une certaine chronologie. Mais, comme ceux qui prétendent voyager dans le temps, à chaque retour, ca crée un univers parallèle.

J'ai décidé de regrouper mes textes, en quelques livres, que j'ai nommés: Écoulements, Épanchements, Déversements, Débordements, Ruissellements et Suintements. À première vue, ca semble définir différents mouvements de l'eau. Mais on peut aussi y voir d'autres significations. Par exemple, Écoulements, ca peut se rapporter à l'écoulement du temps. De même, Épanchements, ca peut se rapporter aux sentiments amoureux.

                                                                                                                                                                                                                                 


ÉCOULEMENTS

Un peu avant que nos ancêtres arrivent en Amérique, avant même qu'ils sachent que l'Amérique existe, ils dessinaient des cartes du monde qu'ils ne connaissaient pas, en ajoutant, dans certaines parties: au delà de ces terres, il y a des dragons.

Qu'est-ce que ca signifiait alors pour eux? Pensaient-ils à de véritables dragons? Ou était-ce simplement une expression, pour indiquer leur ignorance, leurs craintes, leurs rêves?

Dans certains pays d'Asie, le dragon est un être sage, et quand on se laisse entraîner dans le monde des rêves, on dit voler sur les ailes du dragon.

Pour Laurent, un enfant trouvé sur une île déserte, les dragons sont bien réels, même s'il est le seul à croire aux dragons, à une époque où les autres ont déjà commencé à envahir l'Amérique. Sans doute, un peu déçu de se retrouver dans un monde, où les dragons semblent avoir disparus, Laurent s'éloigne du monde connu, et retourne là, où il espère retrouver le dernier dragon, et voyager dans le temps, en volant sur ses ailes, et en visitant les rêves des garçons qu'il rencontre, au cours des siècles.

Ces écoulements commencent vers la fin du seizième siècle, et se poursuivent jusqu'à notre époque, enfin, jusqu'à la mienne, et ils se divisent en quatre parties: Légendes, Rêves, Illusions & Utopies.

Dans Légendes, on découvre un personnage de légende, dont on peut vérifier l'existence, mais pas forcément ce qu'il raconte dans son journal... un journal qui fut d'abord écrit en anglo-normand, traduit en anglais, par un moine de St-Colomba, sur l'île de Iona, vers la fin du seizième siècle, puis traduit en français, pas un moine de l'Abbaye aux Hommes, en Normandie, un peu avant la deuxième guerre mondiale, avant de se retrouver parmi les affaires d'un jeune soldat canadien.

Les Rêves sont ceux d'un personnage plus récent... qui porte pourtant le même nom que celui des Légendes. Il ignore presque tout de ses ancêtres, ce qui ne l'empêchera pas de voyager, et de vivre des expériences fantastiques.

Mais il ne sait pas toujours quand il rêve, ou quand il veille, et il se laisse parfois entraîner dans ce qui pourrait être des Illusions... jusqu'à un moment où tout lui semble Utopique.





                                                                                                                                                                                                                                 


ÉPANCHEMENTS

Laslo s'est endormi, et il rêve qu'il est éveillé, dans un autre monde... le notre, où nous sommes les personnages de son rêve. Dans ses rêves, il change de pays, et d’époque. Il prend des apparences différentes. Il voyage d'un pays à l'autre, en essayant de fuir une guerre qui le rattrape, et qui le précède parfois. Il voyage d’un rêve à l‘autre, comme d’autres se déplacent, en avion, en dormant quelques heures, dans un ciel vide, bien loin, au dessus des autres rêves, jusqu’à ce que l’avion se pose...





                                                                                                                                                                                                                                 


DÉVERSEMENTS

Ces déversements ne sont pas la suite logique, ou chronologique de mes écoulements, et de mes épanchements. Ils en sont plutôt la suite, ou la conclusion poétique.

Après une série de longs voyages, au bout du monde, ou dans ses rêves, Laurent se retrouve dans un petit village... abandonné, où subsistent encore quelques fantômes, cachés dans leur maison, assis devant la télévision, attendant que quelque chose se passe, ou que la chose passe...




                                                                                                                                                                                                                                 


DÉBORDEMENTS

Quand j'écris, je me laisse souvent emporter, bien au delà des mots, et surtout, de cette triste réalité, à laquelle on voudrait me voir éveillé, tous les matins, alors que je me lève plutôt, au milieu de la journée, comme la plupart des vampires de ce monde.

Dans mes textes, je me laisse aussi emporter, bien au delà des règles que nous avons établies, sans doute, pour nous faire oublier que la vie n'est qu'un rêve. Quand même, je reconnais que j'ai parfois passé les bornes, de ce que les puritains trouvent acceptables, ce qui n'est pas si difficile à faire, après tout.

Aussi, après quelques lectures et relectures, j'ai décidé de retirer certains textes, de leur trame originale, afin de les regrouper, en récits apocryphes, dans ce que j'appelle: Les Débordements. Faut-il vraiment expliquer, quels Débordements on peut bien trouver, au delà des Écoulements et des Épanchements?


                                                                                                                                                                                                                                 


RUISSELLEMENTS

Nous rêvons tous. Le tiers de notre vie est occupé par le rêve, et parfois, nous rêvons même le jour, quand nous nous laissons emporter, sur les ailes du dragon. Aussi longtemps que dure le rêve, il nous semble bien réel. Mais, une fois éveillé, nous disons que le rêve est faux, irréel. Et cette réalité, que nous disons si réelle, est-ce que ce n'est pas aussi un rêve? Quand nous dormons, nous ne savons pas faire la différence, entre le rêve et la réalité. Une fois que nous croyons être éveillés, comment pouvons-nous être certains, que nous savons enfin faire cette différence? Peut-être que le rêve est notre seule réalité. Nous nous y éveillons, pour un moment, avant de nous éveiller, à un autre rêve, et nous passons, d'un rêve à l'autre, comme une forme de métempsychose.

Et si le chaos de nos nuits était notre seule réalité...

Et si nos jours n'étaient qu'un rêve...


                                                                                                                                                                                                                                 


SUINTEMENTS

Parfois, bien au delà des sentiments et des émotions, dans cet état de l'âme, que les anciens appelaient: poèse, il nous vient des idées, beaucoup trop complexes, pour qu'on puisse les exprimer avec de simples mots. Mais alors, que faire? Après tout, je ne connais que de simples mots.

Il y a aussi une manière, que de jeunes garçons m'ont enseignée, des garçons que je n'ai pas vraiment connus, autrement que par leurs écrits: Rimbaud, Nelligan, Tashihara. Dans leurs textes, ils mélangent les mots, ils les présentent autrement, en leur donnant un rythme et des rimes, et parfois, on pense y reconnaître un sens qui nous échappe, alors qu'il faut simplement se laisser emporter par la musique, et attendre de voir quelles images nous viendront à l'esprit. C'est ce qu'on appelle la poésie, et c'est ce que j'ai essayé de faire, bien naïvement, en essayant d'imiter ces jeunes garçons...


                                                                                                                                                                                                                                 


Le CADEAU

Ce cadeau est un ajout involontaire aux Épanchements, un accident, une distraction, comme il nous en vient parfois, en marchant dans la rue, sans trop faire attention, à ceux qui vivent... dans la rue.

Xavier et Yvan se sont rencontrés dans la rue, là où ils ont vécu. Ils sont devenus amis, compagnons de fortune, ou d'infortune. Mais, en dehors de leur inconfort, ils ont parfois de petits moments... Et puis, ils ont connu Victor, la vieille Catherine, et bien d'autres fantômes... que nous ne voyons plus. Ils ont vécus des aventures, des histoires qu'on ne raconte jamais, parce que les itinérants, c'est un peu comme les rêves, une fois éveillé, on les oublie complètement, en fait, même en passant tout près d'eux, on les remarque à peine. Alors...

Et puis, quel cadeau peut-on faire, même à son meilleur ami, quand on vit dans la rue, et qu'on fouille les ordures, pour préparer son petit repas du soir? Quelles richesses peut-on accumuler, quand on n'a pas un sou, dans ses poches... trouées?

                                                                                                                                                                                                                                 


JOURNAL

Ce journal, que j'ai pourtant écrit en dernier, est quand même la source, l'origine de tous mes écrits. Il était là, au début, avant même que je le sache, et je l'ai traîné avec moi, tout au long de ma vie, un peu comme un rêve qu'on a oublié, et qui nous revient sans cesse. C'est en essayant de le comprendre, que j'ai écrit tout le reste. Après, je n'ai fait que copier mes pensées quotidiennes, sous forme de journal.

Enfin, j'ai ajouté ce Journal à mes déversements, parce qu'il est le commencement, et la fin, de mes écoulements, de mes épanchements, de mes déversements...