pour les chèvres
C’est bien la traduction qu’on pourrait donner à cette expression que certains croient d’origine musicale, et même religieuse. Parce qu’ils sont une fois allés prier dans une chapelle, ils s’imaginent que le mot n’appartient qu’à l’église.
Il est vrai que dans les chapelles que j’ai connues, on y parlait souvent latin, et on y priait un dieu bien étrange, en tout cas, on le priait de bien étranges façons. Mais je parle de ce petit local qu’on trouvait dans les ateliers de typographie et d’imprimerie. C’était souvent le seul endroit où l’on pouvait se parler, sans avoir à couvrir le bruit des machines, en criant. Et puisque le local était souvent vitré, tout le monde pouvait voir ceux qui s’y enfermaient pour discuter, avec des paroles muettes, et de grands gestes, qu’on aurait pu prendre pour des manières d’oraisons.
J’ignore qui, de l’atelier, ou de l’église, donna son nom à l’autre. Mais si jamais on a trouvé une ressemblance entre la chapelle des ateliers, et celle de campagnes, ce fut sans doute à cause du relatif silence qu’on allait y chercher.
En musique, quand on chante, sans aucun accompagnement d’instruments, on dit qu’on chante a cappella. Et puisque les poèmes sont en quelques sortes des paroles sans musique, on pourrait bien leur donner le même nom. Mais quand j’ai baptisé mon recueil de poésie, j’avais une autre idée en tête.
Capella, c’est aussi le nom latin de la chèvre. Et puisque ma poésie est légèrement bucolique, ce qui pourrait lui donner des airs de parentés avec les chèvres. Et puisque ma poésie risque fort de ne jamais être publiée, il semble donc que je l’aurai écrit pour les chèvres qui, à défaut d’en être les seules lectrices, en seront peut-être les premières consommatrices. On dit d’ailleurs que la chèvre peut manger des choses qui feraient vomir un bouc.
Voilà donc, pour les chèvres, ces quelques lignes bucoliques, comme un médicament ancien et secret, à prendre par petites bouchées, une à la fois, sans dépasser la dose.
Bon appétit.
Yvon Verrier
Propos d'un bédouin
l'or y en a pas d'essaim.
ses paix y sont en essaie.
sur ces merveilles s'émerveille.
meurt soudain indifférent.
sur ces mers vieilles se meurt vieil.
Octobre 1966
Loin de toi
quand je serai perdu, loin de toi,
sur les routes désertes de l’Arizona,
prisonnier enchaîné à ma triste galère,
condamné à rouler sur la route déserte,
à la vaine poursuite d’un horizon qui fuit.
et loin de toi, mon ami, ma pensée, mon âme,
loin de ce que nous aimons, tous les deux.
que nous transportons si souvent avec nous,
comme une lourde tortue, toute vieille et ridée,
usée et fatiguée par tant de longues années.
caché dans ma cage de fer,
sidéré, les yeux grands ouverts,
attendant que sous la lune noire,
vienne le sommeil, et ses rêves futiles,
et la fin de ma nuit, mon voyage, mon exil.
et loin de toi, mon ami, ma pensée, mon âme,
loin de ce que nous aimons, tous les deux.
peintres, poètes, musiciens et autres artistes,
vagabonds qui refusent de s’attacher à la terre,
chercheurs de beauté, d’infini et d’éternité.
qui ne comptera pas,
dans la balance du temps perdu,
ou qui ne comptera plus,
quand nous serons à nouveau réunis,
parfois, plus ailleurs qu’ensemble,
et souvent, plus ensemble qu’ailleurs,
dans notre rêve... étrange...
enfermé dans la cage de verre,
où rien de ce qui semble ne dure,
en un lieu informe, un espace temps,
où le temps, lui même, n’existe plus.
et franchir les limites d’un espace infini?
Comment survivre à l’éternel?
ailleurs que dans le secret du vent?
Et s’accuser de posséder un trésor
que tous voudront voler et souiller.
et qu’ils maudissent même dans leurs rêves.
Ils percent le coeur, et tuent sans le geste.
Mais le silence est frère du mensonge,
et tous deux sont les poisons du coeur.
s’il faut l’ignorer, le cacher et le taire.
et bêtes comme ânes et mulets attelés,
car nous sommes de tristes prisonniers,
enchaînés sur une drôle de galère.
sur mon sort cruel,
et espérer la liberté.”
Le 12 avril 2004
Près de moi
il dort et il rêve,
pendant que moi,
les yeux grands ouverts,
je guette son sommeil,
en rêvant...
la tête sur un bras,
un bras sur la jambe,
on dirait un enfant.
aspire un rêve étrange,
rejette une buée légère,
doucement, sans l’éveiller.
des ombres noires
que je suis du doigt,
en rêvant...
sur son visage d’enfant.
où ses yeux verts s’agitent,
passent les images de choses
qui font battre son coeur,
et qui font battre le mien.
et de sa langue rose,
mouille ses lèvres.
en soupirant tristement:
Je lui volerais un baiser...
Mais je n’ose pas.
Qui veut éveiller un enfant?
Avril 2004
Avec les mots
des montagnes de neige blanche,
et des levers de soleils gelés,
sur des lacs glacés, ou des mers océanes.
que j’emporterai avec moi,
dans les sentiers rouge et jaune de l’automne.
et je veux que ma poésie dure plus longtemps.
des nocturnes et des impromptues,
des gnossiennes et des gymnopédies,
et des préludes à l’après-midi d’un faune.
que j’emporterai avec moi,
dans les sentiers rouge et jaune de l’automne.
et je veux que ma poésie dure plus longtemps.
dans les sentiers rouge et jaune de l’automne,
la tête vide d’images et de sons,
et le coeur plein de regrets inutiles.
Il me viendra des formes, et des couleurs,
comme sur les toiles des musées,
ou les notes orphelines d’une mélodie
que j’ai entendu au concert.
comme les images d’un rêve oublié.
et plus que les rythmes et les rimes,
bêtement couchés dans un panier d’osier,
comme ces fleurs fraichement coupées
qui ne sont pas encore arrangées.
leur trouver un pot, une table,
ou le bord d’une fenêtre.
un autre encore, et elles ne seront plus.
et je veux que ma poésie dure plus longtemps.
quand je ne serai plus qu’un vague souvenir.
Décembre 2006
La harpe à nuage
au dessus ma tête,
les jolis nuages blancs.
de musique et de chants
que j’entends dans ma tête.
en faisant de grands cercles,
comme un fou de Bassan.
une harpe à nuages,
qui ne joue que pour moi.
Décembre 2006
Ma prière
en volant au dessus des forets de sapins.
Elle s’est prise en travers de leurs branches affolées,
en voulant la reprendre, je l’ai toute déchirée.
Mais sa trame se défile, et sa fibre s’effiloche,
et partout, ses longs fils, aux aiguilles s’accrochent.
Mais les brins qui se feutrent ne passent plus dans le chas.
mon fromage et mon pain, ma sacoche et mon bol.
Les bandits m’ont volé, insulté et battu,
puis violé et moqué, et laissé presque nu.
Je suis nu comme un arbre, au vent frais de l’automne,
branches nues, feuilles mortes, sous la pluie je frissonne,
je suis seul et perdu, puisque tu m’as laissé.
Le 19 Octobre 2007
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